Vous l’avez probablement entendue des dizaines de fois dans vos morceaux de rap français préférés, cette expression mystérieuse qui revient comme une ritournelle : la Honda. Quand Jul, Ninho ou SCH parlent de trahir la Honda, vous vous demandez certainement ce que la marque japonaise de motos vient faire dans leurs textes. Nous allons vous révéler le secret derrière cette formule devenue incontournable dans le vocabulaire hip-hop francophone, une référence qui puise ses racines dans un film culte américain des années 1990. Plongez avec nous dans cette exploration qui vous fera découvrir comment une erreur orthographique a transformé un gang de cinéma en symbole de loyauté pour toute une génération de rappeurs.
Dans cet article :
ToggleLa Honda : une expression de loyauté et de confiance
Dans l’univers du rap français, la Honda désigne bien plus qu’une simple marque automobile. Cette expression représente le cercle intime, la famille de sang ou de cœur, ces personnes sur qui vous pouvez compter sans aucune condition. Lorsqu’un rappeur évoque la Honda dans ses textes, il fait référence à ce noyau dur de confiance absolue qui l’entoure, ces individus avec qui les liens sont indéfectibles. L’expression trouve son essence dans la culture hispanique, où le concept de famille élargie et de loyauté indéfectible occupe une place centrale dans les codes sociaux.
Trahir la Honda constitue, dans ce lexique urbain, la pire des déloyautés imaginables. Cette trahison symbolise la rupture du pacte sacré qui unit les membres d’un même clan, qu’il s’agisse de liens familiaux réels ou de fraternité choisie. Les rappeurs utilisent cette formule pour marquer la frontière absolue entre l’acceptable et l’impardonnable, entre ceux qui respectent les codes de la rue et ceux qui les bafouent. Quand Ninho rappe qu’il peut te « canner même si j’t’aimais beaucoup » en cas de trahison de la Honda, il exprime cette idée que la loyauté envers le groupe prime sur toute affection individuelle.
L’origine cinématographique : le film « Blood In Blood Out »
L’expression trouve sa source dans Blood In Blood Out, connu en France sous le titre « Les Princes de la ville », un film américain réalisé par Taylor Hackford et sorti en 1993. Ce long-métrage de trois heures raconte l’histoire de Miklo Velka, un jeune métis à la peau blanche qui, après avoir fui Las Vegas, retrouve ses cousins Paco et Cruz dans les quartiers chicanos d’East Los Angeles. Dans ce film devenu culte dans les communautés latino-américaines, La Onda représente l’un des trois gangs qui contrôlent la prison de San Quentin, aux côtés de la Black Guerrilla Army et de l’Aryan Vanguard.
L’intrigue se concentre sur le parcours de Miklo qui, emprisonné pour meurtre, doit prouver son appartenance à La Onda malgré ses origines mixtes. Pour obtenir le prestigieux tatouage Vatos Locos et intégrer pleinement le gang dirigé par Montana Segura, le protagoniste doit accomplir un acte extrême : tuer un membre d’un gang rival. Cette initiation sanglante illustre le titre original du film, « Blood In Blood Out », qui signifie littéralement qu’on entre dans le gang par le sang versé et qu’on n’en sort que mort. L’expression « trahir la Onda » devient alors synonyme de rompre ce serment de sang, de tourner le dos à ceux qui vous ont accepté au sein de leur famille carcérale.
Le film, largement inspiré par la vie réelle de Joe « Pegleg » Morgan, un détenu blanc d’origine européenne qui prit la tête d’un gang latino dans les années 1970, a profondément marqué la culture hip-hop internationale. Sa représentation crue des codes de la prison et de la loyauté absolue entre membres d’un même clan a trouvé un écho particulier dans le rap, où ces thématiques résonnent naturellement avec les réalités vécues par de nombreux artistes.
La Honda vs La Onda : une confusion orthographique répandue
Voici où l’histoire prend un tournant linguistique intéressant. L’orthographe correcte, selon la référence cinématographique originale, est La Onda sans la lettre H. Pourtant, dans l’immense majorité des textes de rap français, l’expression apparaît sous la forme « Honda », avec un H initial qui transforme accidentellement cette référence à un gang latino en marque japonaise de deux-roues. Cette déformation orthographique s’explique probablement par une transmission orale de l’expression, les rappeurs ayant entendu le terme sans nécessairement avoir vu le film ou connaître son orthographe exacte.
Certains artistes ont même joué avec cette ambiguïté graphique pour créer des doubles sens savoureux. SCH, toujours habile dans ses jeux de mots, rappe ainsi « T’es pas Houdini, nous, on te retrouve, trahi la honda, on passe en Honda » dans son Booska Rooftop. Cette punchline exploite brillamment la confusion en faisant référence simultanément au gang et à la marque de motos, suggérant que la trahison se soldera par une fuite en deux-roues. Malgré cette erreur orthographique généralisée, le sens profond de l’expression demeure intact dans le rap français : il s’agit toujours de cette loyauté inconditionnelle envers son cercle proche, peu importe que le mot s’écrive avec ou sans H.
Utilisation de l’expression dans le rap français
L’expression s’est imposée comme un incontournable du lexique rap francophone, traversant les générations et les styles. Les rappeurs l’utilisent pour évoquer des situations de trahison, affirmer leur fidélité ou menacer ceux qui envisageraient de rompre le pacte de confiance. Comme pour d’autres références cinématographiques telles que Le Parrain ou La Cité de Dieu, cette formule permet aux artistes d’imager leurs propres expériences en s’appuyant sur une mythologie culturelle partagée, créant ainsi une connivence avec leurs auditeurs les plus avertis.
Nous avons recensé les utilisations marquantes de cette expression chez plusieurs figures majeures du rap français, démontrant sa versatilité et son ancrage profond dans la culture hip-hop hexagonale :
| Artiste | Titre | Punchline |
|---|---|---|
| Jul | Ça… | T’aimes trahir la Honda c’est ça ? |
| Alonzo | Compliqué | Mais on ferait tout pour la mama, sans trahir la honda |
| Ninho | TTR | Si tu trahis la Honda j’peux te canner même si j’t’aimais beaucoup |
| Niska feat. Soprano | Zoom | Pour de l’oseille ou bien des nanas, jamais on trahira la honda |
| SCH | Booska Rooftop | T’es pas Houdini, nous, on te retrouve, trahi la honda, on passe en Honda |
| YL | Massacre | Trahis la honda, tu péris dans le coffre |
Ce qui frappe dans cette appropriation française de La Onda, c’est que très peu d’auditeurs connaissent réellement la référence cinématographique originale. Contrairement à d’autres clins d’œil culturels plus évidents, celle-ci fonctionne davantage comme un code interne à la culture rap, transmis de génération en génération sans nécessairement que son origine soit explicitement connue. Cette transmission orale et cette réappropriation démontrent la capacité du rap français à absorber des influences internationales et à les transformer en marqueurs identitaires propres, créant ainsi un vocabulaire riche qui transcende ses sources initiales pour devenir authentiquement francophone.
