Où en est réellement Jok’Air ? Il y a maintenant plus d’un an que l’aventure MZ s’est estompée, et que l’ex-numéro 10 du trio fait marche seul. Si Hache-P et Dehmo ne déméritent pas non plus et proposent chacun du contenu de qualité, Jok’Air a (et aura) toujours concentré autour de sa carrière les spéculations les plus fortes, et ce déjà bien avant le groupe ne se sépare. Aujourd’hui sa situation est assez difficile à évaluer. La productivité est là (3 projets en 2017), et l’estime du milieu pour l’artiste qu’il est semble évidente. Mais on est encore quelques étages en dessous du statut de (pop ou rock)star qu’on pouvait lui envisager. Peu importe, ça prendra le temps que ça prendra. En attendant, Jok’Pololo peut au moins se targuer d’être un guest remarquable en featuring. Son inventaire de collaborations effectuées est déjà bien rempli et il nous a semblé amusant de commencer à classer un peu tout ça. Les règles du jeu sont triviales : seulement des titres où Jok’Air partage l’affiche en tant qu’invité – exit donc les morceaux présents sur ses propres projets (Cigarette avec Alkpote ou Moussa et Sarah avec Emily Perry par exemple).

1- Elle m’a fait ça feat Mac Tyer :

(Banger 3, 2017

L’osmose tout simplement. Dans l’intention déjà, c’est une vraie collaboration. La facilité pour Mac Tyer aurait été de solliciter Jok’Air pour s’illustrer sur un refrain et éventuellement un couplet. Un schéma classique rappeur-chanteur, et ça aurait sans doute fait le job. Mais les deux hommes ont livré un travail bien plus léché. Niché dans la longue tracklist de Banger 3, Elle ma fait ça est titre intense, cru, parfois bestial. Les prises de parole se relaient pour décrire une relation passionnelle, sauvage, qui s’adresse autant à une femme qu’au rap lui-même.

 

2- Morts ou vifs feat Madame Monsieur & Ibrahim Maalouf : 

(Tandem, 2016)

Épaulé par le tandem pop Madame Monsieur et le trompettiste Ibrahim Maalouf, Jok’Air se prête à une revisite officieuse de Bonnie & Clyde. Dans l’énoncé on flirte avec le kamoulox, mais la réalisation est aussi bien magistrale qu’ambitieuse. Tout ce beau monde est au diapason et Jok’Air rayonne dans ce rôle de bandit romantique. Ce titre, sorti à une époque où il était encore estampillé MZ est une bonne raison de croire qu’il a tout à gagner à s’aventurer hors des carcans du rap.


La version live, également très réussie et est à retrouver ici.

 

3- La nuit les étoiles feat Hyacinthe :

(Sarah, 2017)

Hyacinthe et Jok’air c’est une bromance qui remonte aux années lycéesUne alchimie dans la vie qui a été jusqu’ici exploitée à merveille en musique et plus d’une fois. Après Benetton Music’ (que l’on retrouvera un peu plus bas) et Rap Game Nuit sans fin, tous deux en collaboration avec d’autres artistes, La nuit les étoiles marque leur premier véritable tête-à-tête. À cette occasion, quoi de mieux qu’une ballade pour ces deux écorchés du coeur et de l’esprit. Et quelle ballade ! Sur une délicieuse production de Nodey, les deux crooners soignent leur lancinante complainte. Le superbe clip réalisé par Kevin Elamrani-Lince vient compléter le régal de cette excellente connexion.

 

4- Gogo feat Laylow : 

(Digitalova, 2017)

Il y a quelque chose de Quin-Gon Jinn et d’Obi-Wan Kenobi dans cette association. L’ex-Casanova de la MZ est en point de départ du morceau, comme pour ouvrir la voie à son disciple bourré de talent. Jok’Air et Laylow partagent des univers assez similaires et de fait leur complicité apparaît comme très naturelle. Dans un tourbillon de néons et d’effets lumineux, le premier se montre assez sage, tout en maîtrise de son timbre et de son plan de séduction. Là où le toulousain joue plutôt sur la distorsion de sa voix et fait exploser toute son impétuosité. Souhaitons tout de même à Jok’Air un destin moins tragique que l’homme au catogan et sabre vert.

 

5- Benetton Music’ feat Hyacinthe & Aketo :

(Sur la Route de l’Ammour, 2013)

Hyacinthe & Jok’air à nouveau donc. Mais ici la conjoncture était bien différente du morceau pré-cité. On est en 2013, et Benetton Music’ n’a d’autre ambition que de proposer 3:30 de frénésie marécageuse. Pas de refrain, trois couplets bruts. Et tout le monde est venu pour boxer. Jok’air d’abord, bien en jambes, puis Hyacinthe et enfin un certain Aketo – dont le groupe Sniper a aussi connu quelques soucis de cohésion par le passé, comme quoi on ne sait pas toujours reconnaître un mauvais présage quand on en voit un. Qu’importe, le son est une perle. 

 

Jok’Air est un ingrédient à part entière dans la construction d’un morceau. Si la hiérarchie est telle, c’est parce les mieux classés ont eu l’intelligence de penser et de construire les titres avec un investissement majeur de sa part dans la conception. L’erreur est de croire qu’on peut se contenter de lui faire un peu de place sur la fin pour qu’il glisse son refrain envoûtant et/ou son couplet chantonné. Jok’Air a la panoplie artistique suffisante pour ne pas être catalogué et utilisé comme le chanteur-loveur mielleux qu’on enrôle pour son morceau destiné grand public. Parce qu’au mieux on a un semblant de tube correct, et au pire ça donne une soupe prévisible et quelconque. Elle m’a fait ça avec Mac Tyer est l’exemple même de tout ce qu’il faut faire. Benetton Music’ est la preuve  -bien qu’elle date un peu- que l’on peut aussi le solliciter pour jouer des coudes sur des couplets nerveux et pas seulement dans la position du dandy sensuel. Mort ou vifs démontre enfin qu’il est totalement compatible avec des artistes « hors » rap, et que son avénement au niveau supérieur passera sans doute par là.